Culture numérique et apprentissage
Comment penser, dessiner, construire des espaces d’apprentissage, quand les pratiques pédagogiques sont, nous dit-on, transformées par la présence de nouveaux outils numériques d’accès au savoir ? A l’architecture, il est demandé de « s’adapter », de « rendre possible » des « nouveaux usages ». De quels « nouveaux usages » parle-t-on, et que signifie même, réellement, cette idée que l’architecture aurait la capacité à les « rendre possible » ?
L'agence, si elle a produit de nombreux projets d'enseignement, a décidé de prendre le temps de la réflexion ; au moins pour comprendre les questions, à défaut de savoir y répondre : de quoi le numérique est-il le nom, et est-il effectivement en train de radicalement remettre en cause les modèles que proposent, depuis des siècles au moins, les architectes ?
Dans ce travail, la proposition (non-retenue) de l'agence pour le campus du Mirail à Toulouse a été un moment déclencheur : notre volonté, peut-être pas assez affirmée, de ne pas détruire ce qui faisait la puissance du projet initial de Candilis, Shadrach & Woods n'a pas été entendue.
Ces architectes, il y a cinquante ans, faisaient avec d'autres le choix de revoir radicalement la fonction socio-politique de l'architecture, en se mettant en retrait pour laisser l'habitant fabriquer ses usages, quitte à risquer la dissolution de leur propre métier. Cette période d'une architecture explicitement politique est passée, et plusieurs de ces projets sont démolis. Il est temps pourtant, plus que jamais, de les prendre en considération.
En effet, la période de production de ces projets, dans les années 50 à 70, tient pour beaucoup sa puissance à un fait historique essentiel : la rencontre entre deux disciplines, l'architecture et l'(architecture) informatique. Revenir à ces échanges fondateurs, entre des architectes avec leurs corpus et méthodes ancestrales, et des informaticiens qui s'apprêtaient à réinventer notre manière de voir le monde, nous apprend beaucoup. Ce qui a été esquissé par ces précurseurs radicaux est l'hypothèse d'une mise en crise décomplexée de la manière dont l'architecture, historiquement, était appelée à explicitement signifier quelque chose à ses habitants : plutôt, la signification de l'espace n'est-elle pas à chercher du côté des usages ?
Pour porter ces réflexions, et tâcher de leur trouver une pertinence aujourd'hui, l'agence SCAU a accueilli dans ses murs, pendant trois ans, un doctorant (Eric de Thoisy) encadré par deux philosophes, Véronique Fabbri et Milad Doueihi. En allant chercher des textes fondateurs de l'informatique (Alant Turing en tête) et en voulant les comprendre dans un cadre philosophique exigeant (Ludwig Wittgenstein entre autres), la réflexion en arrive à proposer quelques hypothèses face à des questions intimidantes : comment penser aujourd'hui la cohabitation entre architecture et architecture informatique, et que devient l'habiter dans un monde numérique ?
Images d’illustration : reprise et réactualisation de la structure en « tabourets » du campus du Mirail, à Toulouse (SCAU, 2012)
Cette recherche a donné lieu à plusieurs publications et conférences :
"La maison du cyborg", à paraitre chez Hermann, printemps 2018
« L’humain » (au défi du numérique) a occupé les esprits de la Chaire des Bernardins, et il est, effectivement, l’enjeu majeur à saisir si l’on en croit l’américaine Donna Haraway et son Manifeste cyborg, publié pour la première fois en 1984 : le « statut d'humain devient hautement problématique », dit l’auteure féministe dans les dernières lignes de son texte. Sa conclusion vient clore un réquisitoire adressé à l'encontre du déterminisme caractéristique de la pensée occidentale (...)
"Architecture et numérique, deux ontologies solidaires", dans le dossier Ontologie du numérique proposé par la revue en ligne Sens public, décembre 2017
Cet article propose de saisir les questionnements ontologiques du numérique en faisant le pari que l'architecture nous donne à voir des représentations pertinentes de ces questionnements ; qu’elle contribue à les rendre visibles. Si l’hypothèse est juste, la méthodologie proposée est la suivante : aller regarder comment les architectes réagissent à ce qu’ils comprennent du numérique (...)
Suite de l'article en libre-accès : https://www.sens-public.org/
"Apprendre, transmettre, habiter un monde numérique", Les Echos, janvier 2017
Comment une machine pourrait-elle transmettre ce qu'elle a appris à une autre machine ? Dans son texte de 1936, Alan Turing fait dériver le cours de l'histoire des techniques : l'apprentissage devient un principe, précisément, (...)
Suite de l'article en libre-accès : https://www.lesechos.fr
Invitation au colloque Ecritech pour participer à la table ronde « Les enjeux de la forme scolaire dans la classe » présidée par Bruno Devauchelle, Nice, 4 avril 2018
http://www.ecritech.fr/ http://www.ludovia.com
"Des figures archaïques et de leur rémanence numérique : vers une reformulation implicite de l'habiter ?", intervention au colloque international L'archaïque et ses possibles aujourd'hui, Cité de l'architecture, 16 juin 2018
"Une histoire textile", in Profanations textiles, ENSAD / SCAU, paru aux PUF en février 2018
Retrouver une vision, nous demande l’architecte ; (comment) en sommes-nous arrivés là ? Il faut revenir en arrière ; il y a toute une histoire, plus large, à saisir. Dans Milieu et techniques, André Leroi-Gourhan évoque les Eskimo et sa tentation d’en dresser un « arbre généalogique », du fait d’un « certain pli inconscient (…) à voir « rapports » et à déduire « origines ». Cette tâche illustre une pratique traditionnelle de l’histoire telle que la raconte Foucault (...)
Lien vers l'ouvrage : http://www.lespressesdureel.com
"Technique, texte, lieu du texte. Illich et Leroi-Gourhan : le dialogue de deux méthodes", à paraitre aux PUF, printemps 2018
Nous sommes réunis pour parler de méthode ; j’en profite pour dédoubler ma proposition : évoquer ce que je crois être la méthode d’Illich, mais aussi - et surtout, peut-être - vous parler de la mienne, une méthode que je construis dans le cadre d’une recherche de doctorat. Alors, il s'agira d’inscrire Illich dans une méthode qui en convoque d’autres : celles d'Illich donc, de Leroi-Gourhan surtout, et aussi : Ellul, Latour, Detienne et Vernant (...)
“Architecture, numérique, genre : la possibilité de spatialités queer ?”, conférence à La Galerie, Noisy-sur-Sec, dans le cadre de l'exposition La langue de ma bouche, mars 2018
Écouter la conférence www.lagalerie-cac-noisylesec.fr
"Architecture et numérique : redite d’une histoire genrée, ou émergence de spatialités queer?", intervention au colloque Espaces genrés, sexués, queer, Paris, octobre 2017